RDC : violence et épuration ethnique au Nord-Kivu

Image:RDC : violence et épuration ethnique au Nord-Kivu

Silence des médias
Insécurité et haine ethnique dans la région orientale de la RDC

Trois mois et demi après la fin des hostilités entre le gouvernement et le M23, la guerre, la violence des milices et l’épuration ethnique sont toujours d’actualité au Nord-Kivu. Les tueries de civils rwandophones, à Nyamaboko, et des militaires FARDC, à Bukombo, par une coalition de groupes extrémistes qui ont le soutien des autorités de la province, ne sont pas mentionnées dans la presse nationale, ni dans les déclarations officielles de Kinshasa, la Monusco se limitant à un communiqué laconique.

Cette attitude trahit les responsabilités du pouvoir qui rechigne à se débarrasser des faucons responsables de l’insécurité et de la haine ethnique dans cette région orientale de la République démocratique du Congo.

Les autorités politiques de la République Démocratique du Congo, plus particulièrement celles du Nord-Kivu, préfèrent garder le silence devant une insécurité grandissante muée en guerre entre l’armée gouvernementale (FARDC) et la coalition des extrémistes formée par l’Alliance des patriotes pour un Congo libre et souverain (APLCS, commandée par le « général » Janvier, à dominante hunde), les Forces démocratiques de libération du Rwanda (les rebelles hutu rwandais des FDLR, dirigés par des militaires qui ont participé au génocide de 1994 au pays des Mille collines) et les Nyatura (miliciens en majorité hutu).

Tous ces groupes, utilisés comme forces supplétives de la Brigade onusienne et des Fardc pendant la guerre contre le M23, s’opposent en réalité au retour des réfugiés congolais se trouvant dans les camps au Rwanda, au Burundi, en Ouganda et en Tanzanie, une des clauses principales des protocoles de paix signés entre le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) et la direction politique de la rébellion, le 12 décembre dernier à Nairobi.

Pour empêcher la mise en œuvre de cette clause et décourager tout retour de réfugiés, ils créent l’insécurité, font monter les enchères et tournent y compris les armes contre leurs anciens alliés des FARDC.

Porteuse d’un programme d’exclusion aux relents ethnicistes et visant en particulier la communauté rwandophone, cette coalition est aisément manipulée par le gouvernorat et les organisations de « société civile » du Nord-Kivu. Elle bénéficie d’un soutien matériel et financier de la part d’Eugène Serufuli Ngayabaseka – ancien patron de la province et de la Local defense force pendant la guerre civile de 1998-2002 –, et des quelques députés provinciaux qui, depuis Kinshasa, attisent l’instabilité dans cette partie est du pays.

D’ailleurs, l’attitude du gouvernement par la bouche de son porte-parole Lambert Mende, loin de faciliter la réconciliation nationale, contribue à creuser le fossé entre les communautés et à légitimer dans les faits la persécution des Tutsi congolais de l’Est. Dans ses déclarations souvent tonitruantes, le ministre de la Communication et médias continue, trois mois après la fin de la guerre, à accuser de tous les maux le M23 en voie de démobilisation et de transformation en organisation politique. En affirmant que l’ancienne rébellion veut se reconstituer pour reprendre les hostilités – ce qui a été récemment démenti par le général Abdallah Wafi, numéro 2 de la Mission des Nations Unies en RDC (Monusco) –, il produit sciemment une réaction d’agressivité contre les populations rwandophones qui ont fourni le gros des troupes aux insurgés.

C’est ainsi que ces dernières se retrouvent une fois de plus victimes de ces milices, très à l’aise suite à l’éloignement du territoire du M23, mouvement qui en était le bouclier.

Le dernier épisode sanglant de cette traque, ininterrompue depuis vingt ans, date du début de ce mois de février. A Nyamaboko, village du Nord-Kivu situé dans le territoire de Masisi, soixante-dix civils sont exécutés à la machette par ce regroupement de milices tribales.

Pendant deux semaines, aucune déclaration officielle n’aura rendu compte des faits.
Puis, dans un communiqué laconique du 13 février – alors que les médias nationaux et internationaux observaient la consigne du silence –, la Monusco dénonçait ces atrocités sélectives sans mentionner l’identité des victimes, ni celle des bourreaux. Façon pour la mission onusienne d’entretenir un flou qui profite aux instigateurs de ces violences nichés à Kinshasa et dans l’administration provinciale. Sans compter que les Casques bleus de service, dans une base située à deux kilomètres de Nyamaboko, n’ont pas bougé pendant le carnage… Rappelons que les mêmes militaires onusiens ont parfaitement connaissance des dangers menaçant les communautés rwandophones, comme en témoigne un rapport de la Monusco de novembre 2012, où il est question des violences ayant endeuillé le Masisi entre avril et septembre de la même année, avec un bilan de deux cent victimes.

Certaines unités de l’armée nationale, dont les commandants se sentent concernés par les consignes de pacification de la province et de désarmement des groupes armés, se mobilisent et essayent en vain d’éteindre un feu qui menace de se propager et se rapprocher de Goma, la capitale provinciale.

Car ces troupes, dont les éléments sont relativement disciplinés et déterminés à sécuriser les populations, ne reçoivent aucun soutien de la part de l’état-major basé à Kinshasa, où l’on sait que le régiment de 1200 hommes basé à Masisi n’est pas en mesure de maîtriser la situation.

Le 7 février, les miliciens APCLS et Nyatura venus de Kahira engagent des violents combats avec les FARDC du 804e régiment dans les localités de Ndondo, Kibarizo et Muhanga, aux alentours de Kitchanga, et les délogent de leurs positions. Le lendemain, une unité de commandos est envoyée en renfort, mais ce déploiement ne change pas le rapport de forces. Les troupes de l’armée régulière, privées d’un appui conséquent de la part du commandement de la 8e région militaire et de la Monusco, ne font pas le poids face à environ cinq mille combattants de la coalition extrémiste dopés par l’idéologie de l’épuration ethnique.

Le 15 février, les soldats du 813e régiment accourent à Bukombo pour protéger les civils en détresse sur les collines qui se dépeuplent devant l’avancée des miliciens APCLS, FDLR et Nyatura. Aux ordres d’un vaillant gradé, le colonel Patrick Mwanatambwe, mort l’arme à la main pendant les affrontements, les militaires loyalistes essuient un sérieux revers et, avant de se retirer, laissent sur le terrain une centaine d’hommes.

Un autre massacre évitable, dû au manque de volonté politique du gouvernement qui ne se soucie pas de prendre des mesures adéquates et mettre hors d’état de nuire les extrémistes à la tête de la province avec leurs complices de Kinshasa.

Pour L’Agence d’information - 21/2/14
— El Memeyi Murangwa avec Luigi Elongui à Paris

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