Une nouvelle « Terre sans expulsion »

Bruno Gouteux - 5/11/2010
Image:Une nouvelle « Terre sans expulsion »

Assemblée de Corse
Déclaration de défiance vis-à-vis de la loi française

L’assemblée de Corse a adopté, vendredi 28 octobre 2010, une motion en faveur des élèves sans papiers et de leur famille.

Dans ce texte, proposé par Jean Christophe Angelini, du PNC, porté au vote par le président Dominique Bucchini (PCF, Front de Gauche), et adopté par l’ensemble des groupes (à l’exception, bien sûr, du groupe UMP...) l’assemblée adopte une motion déclarant la Corse « terre sans expulsion ».

Parmi les votants on pouvait compter 15 élus issus des rangs nationalistes corses [Femu a Corsica (autonomiste) et Corsica Libera (indépendantiste)] : nationalistes, donc, mais s’opposant avec humanisme aux lois xénophobes [1] de la République française.

L’ASSEMBLÉE DE CORSE

DÉCLARE la Corse comme « TERRE SANS EXPULSION »,

SE DÉCLARE solidaire dans les démarches de reconnaissance de la place
des immigrés, y compris les sans-papiers, dans la société insulaire,

S’OPPOSE aux expulsions de jeunes majeur(e)s et de familles dont les
enfants sont scolarisés, en les plaçant sous sa protection afin d’obtenir la
régularisation et leur permettre la poursuite de leurs études,

S’ENGAGE à exprimer sa solidarité au sein des établissements scolaires en
vue d’obtenir leur régularisation, le cas échéant, et affirme que ses
représentants prolongeront cette démarche dans les conseils d’administration
où ils siègent,

ASSURE que les élèves menacés d’expulsion et/ou leurs parents obtiendront
son parrainage pour les accompagner dans leurs démarches de
régularisation.

La Corse devient ainsi après l’Aquitaine et l’Ile de France et avant la région Centre(qui prévoit d’adopter une motion similaire prochainement), la troisième région à s’inscrire dans une vaste démarche menée par le Réseau Éducation Sans Frontière, « pour faire adopter, dans toutes les régions ce nouvel outil offensif de défense des sans papiers ».

Un geste symbolique fort. Mais si la collectivité territoriale de Corse se déclare ainsi solidaire des « démarches de reconnaissance de la place des immigrés, y compris les sans-papiers, dans la société insulaire », elle s’engage aussi concrètement a intervenir sur la question des enfants scolarisés et de leurs familles, « en les plaçant sous sa protection afin d’obtenir la régularisation et leur permettre la poursuite de leurs études ».

L’assemblée de Corse sera revenue, dans le texte de cette motion [voir page 2], sur « la contribution des sans-papiers aux secteurs clés de l’économie de l’île », sur le fait que « le nouveau projet de loi sur « l’immigration, l’intégration et la nationalité » franchit un nouveau cap dans l’iniquité et la réduction du droit des migrants » mais aussi et surtout sur « les situations économiques et sociales inhumaines de nombreux sans-papiers, et qui pourraient s’aggraver en cas d’application stricte de cette nouvelle loi ».

Il s’agit donc véritablement d’une déclaration de défiance vis-à-vis des Assemblées législatives de la République et de la loi française, de plus en plus restrictive et inhumaine et qui s’inscrit depuis plusieurs années dans des stratégies politiques et électoralistes nauséabondes de bouc-émissarisation des sans-papiers, et plus généralement des populations immigrées ou issues de l’immigration.

Après les très nombreuses mobilisations des sans-papiers et leurs soutiens (associations, collectifs) - toujours plus nombreux à venir en aide aux travailleurs et travailleuses sans-papiers et à leurs enfants scolarisés - puis celles des syndicats, l’entrée en jeu des « élus de proximité » pour la défense des sans-papiers contre les lois de plus en plus iniques votées au niveau national est un fait notable.

Cette déclaration de l’Assemblée de Corse doit être prise pour exemple dans toutes les régions et colonies françaises.

Alors que la Guyane et Mayotte sont deux grandes pourvoyeuses d’expulsés - remplissant à elles seules une grande partie des quotas d’expulsion fixés par Sarkozy - des initiatives doivent être engagées dans ces territoires pour obliger les élus locaux à prendre clairement position.

En Guadeloupe... Même si le tremblement de terre à Haïti a pu un temps marquer une pose dans les expulsions vers cette île - sauvagement pillée par l’ancienne puissance esclavagiste avant d’être dévastée - et être à la base d’un élan de solidarité sans précédent, il ne faut pas oublier le racisme et le sort réservé aux sans-papiers Haïtiens venus trouver du travail ou rejoindre leur famille, des années durant, en Guadeloupe. Il serait d’ailleurs complètement infondé de penser que la situation des sans-papiers - principalement haïtiens, donc - s’est améliorée sur l’île...

Les sans-papiers haïtiens font l’objet d’une véritable « traque » en Guadeloupe. Ceux qui échappent à cet acharnement policier se terrent et rasent les murs. Ils travaillent clandestinement dans les plantations de banane et lors de la coupe de la canne, ou comme « jobbeurs », à des salaires dérisoires, pour des particuliers (création et entretien de jardins, services aux personnes âgées). Comme tous les sans-papiers, ils exercent les emplois que refusent les nationaux.

Il serait donc peut être temps d’appeler les Guadeloupéens à prendre exemple sur la Corse et à obliger nos élus locaux, Lurel et Gillot, à se positionner clairement sur la question et le sort réservé, sur notre île, aux sans-papiers et à nos frères haïtiens.

Bruno Gouteux est journaliste et éditeur —Izuba éditions, Izuba information, La Nuit rwandaise, L’Agence d’Information (AI), Guerre Moderne, Globales…—, consultant —Inter-Culturel Ltd— et dirige une société de création de sites Internet et de contenus —Suwedi Ltd.

Il est engagé dans plusieurs projets associatifs en France et au Rwanda : Appui Rwanda, Distrilibre, Initiatives et Solutions interculturelles (ISI), le groupe Permaculture Rwanda, Mediarezo

 5/11/2010

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