CAURI - MUNYEMANA : le verdict du procès

La rédaction - 23/11/2011
Image:CAURI - MUNYEMANA : le verdict du procès

Communiqué de l’association CAURI
Cauri décide de faire appel de ce jugement et a besoin de soutien

Il a été jugé le 8 novembre dernier au TGI de Bordeaux, que 3 membres du Collectif Girondin pour le Rwanda, ainsi que l’association Cauri avaient porté atteinte à la présomption de Sosthène MUNYEMANA.

Nous avons décidé de faire appel de ce jugement.

Nous comptons sur votre soutien dans ce combat de longue haleine !

CAURI : Réaction au jugement

Réaction au jugement rendu le 8 novembre par le TGI de Bordeaux

Par un jugement rendu le 8 novembre 2011, le tribunal de grande instance de Bordeaux a condamné l’association Cauri ainsi que trois personnes présentes le 30 janvier 2010 devant l’hôpital Saint Cyr à Villeneuve sur Lot. Cette action constituait une réponse à des propos tenus dans la presse par Sosthène Munyemana, toujours visé par des plaintes non éteintes déposées auprès de la justice française depuis 1995. Elle traduisait aussi l’exaspération des rescapés et de leurs proches devant l’inertie de la justice française lorsqu’on lui demande d’instruire des plaintes visant des crimes de génocide dont ont été victimes les Tutsi du Rwanda en 1994.

A la suite des assignations qui nous avaient été adressées de la part des avocats de Sosthène Munyemana pour atteinte à la présomption d’innocence, nous avions réagi en considérant que cette action en justice constituait déjà en soi une « provocation ».

Nous écrivions alors le 10 mai 2010 :

« L’histoire retiendra qu’au « pays des droits de l’homme », ce sont davantage les rescapés et leurs proches qui se trouvent devoir répondre de leurs actes devant les tribunaux tandis que les personnes accusées d’avoir pris part au génocide ne sont toujours pas jugées alors que des plaintes ont été déposées depuis une quinzaine d’années. »

Aujourd’hui, nous pouvons reprendre ces mêmes termes, en ajoutant que désormais la justice française ne se contente pas de recevoir les plaintes visant les rescapés et leurs proches mais qu’elle semble donner raison à leurs adversaires, lesquels ne se privent pas d’utiliser tous les moyens judiciaires et médiatiques dont ils disposent dans notre pays.

Cependant ce jugement rendu le 8 novembre n’est pas définitif. Nous continuons toujours à croire que la justice française puisse montrer un autre visage.

C’est pourquoi nous allons faire appel de ce jugement. Face à un scandale qui perdure, nous continuerons à porter ce combat parce que nous avons fait un choix qui nous engage sans équivoque : celui de défendre la mémoire des victimes de ce génocide ainsi que le droit à la justice pour les rescapés …

Le 27 septembre 2011, nous avions reçu le soutien de diverses organisations politiques, syndicales, ou humanitaires, de nombreux militants et sympathisants, ce qui constituait déjà un succès appréciable. Mais dans ce combat long et difficile où l’on ne gagne pas à tous les coups, ni sur tous les plans, une mobilisation encore plus large de toutes les bonnes volontés reste nécessaire pour que la vérité et la justice finissent par l’emporter. C’est pourquoi nous en appelons à la solidarité morale et matérielle de tous les individus et de toutes les organisations qui voudront se joindre à notre combat.

Bordeaux le 16/11/2011

J. Morel : Munyemana vs Cauri

Le procès de Sosthène Munyemana contre Cauri
Jacques Morel - Mardi 27 septembre 2011

Ce qui suit est la mise en forme de notes prises à l’audience. Elles sont lacunaires en raison d’une acoustique particulièrement mauvaise. En particulier, l’avocat de Cauri, M Paul Cesso, était difficilement audible.

La plainte de Sosthène Munyemana contre l’association Cauri, représentée par sa présidente, Adelaïde Mukantabana, Pascal Bianchini, Léonne Hodari et Jean-Pierre Cosse a été examinée en l’absence du plaignant défendu par M Jean-Yves Dupeux1 par le Tribunal de grande instance de Bordeaux ce mardi 27 septembre 2011.
Dans cette salle d’audience en forme de ruche d’abeilles ou de tonneau de l’architecte Richard Rogers (associé à Renzo Piano).

Introduction du président

Le président Olivier Joulin expose la plainte pour atteinte à la présomption d’innocence du médecin rwandais Sosthène Munyemana, urgentiste à l’hôpital de Villeneuve-sur-Lot.

Munyemana était médecin gynécologue à Butare d’octobre 1989 à juin 1994. Militant au MDR, il était opposé au président Habyarimana. Il est marié et a 3 enfants. L’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion de celui-ci a été l’événement déclencheur du génocide des Tutsi et « d’un génocide qui a atteint également des Hutu modérés ». Il quitte Butare le 14 juin 1994.[2] Il est depuis 2001 à Villeneuve sur Lot.

Les défendeurs (CAURI et les 3 personnes sus-nommées) font un travail sur le génocide rwandais. CAURI fait partie du Collectif girondin pour le Rwanda (CGR), qui existe toujours. Ils déclarent que le plaignant a été accusé de participation au génocide dans la presse belge durant l’été 1994.

Il fait l’objet d’une fiche de recherche émise par le Rwanda diffusée par Interpol.

Le 21 février 2008, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) lui a refusé celui-ci au motif qu’il y a des raisons sérieuses de penser qu’il s’est rendu coupable d’un crime (crimes contre l’humanité, génocide, complicité de génocide) qui l’exclut du bénéfice de ce droit d’asile. Le livre “Aucun témoin ne doit survivre”, rédigé par Alison Des Forges et Human Rights Watch le suspecte de participation au génocide. Sosthène Munyemana a été condamné au Rwanda par le tribunal Gacaca de Tumba. Reste à voir si ce jugement est définitif.

Les défendeurs ont organisé une manifestation le 30 janvier 2010 devant le centre hospitalier Saint-Cyr à Villeneuve sur Lot où travaille Sosthène Munyemana. Ils avaient des banderoles et ont fait des déclarations à la presse.

Le délit d’atteinte à la présomption d’innocence a été défini par une loi de 1881 sur la presse.

Le président rappelle que : « La présomption d’innocence est toujours supérieure à la liberté d’expression ».

À propos des tribunaux Gacaca, il précise que ce sont des juridictions traditionnelles qui ont été créées dans le prolongement du TPIR, puisque celui-ci ne pouvait juger tous les criminels.[3]

Le droit à la présomption d’innocence s’applique-t-il ici ?

M Dupeux n’a pas le jugement Gacaca. M Cesso, avocat des défendeurs, lui communique.

M Cesso : Sosthène Munyemana ayant été condamné au Rwanda ne peut bénéficier de la présomption d’innocence.

M Dupeux : Amnesty International a condamné les tribunaux Gacaca, de même Human Rights Watch. Les Gacaca sont la pire des juridictions populaires. Pendant ce jugement Gacaca, la justice rwandaise n’a rien notifié à Sosthène Munyemana.

Pourquoi le Rwanda a-t-il demandé l’extradition de Sosthène Munyemana ?

Cette demande a été rejetée le 19 octobre 2010 par la cour d’appel de Bordeaux qui a jugé que les preuves de culpabilité fournie par le Rwanda n’étaient pas sérieuses (? ) donc ces juridictions Gacaca ne valent rien.[4]

Dire que la plainte déposée en France n’est pas instruite est faux. Les juges Pous et Ganascia ont fait plusieurs déplacements au Rwanda. Il y a une information judiciaire où Sosthène Munyemana n’est pas mis en examen mais témoin assisté.

Le droit à la présomption d’innocence est reconnu par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789. Il est garanti par l’article 9-1 du Code civil.

Les slogans contre Sosthène Munyemana

Le Président : Les manifestants ont brandi une banderole où il était écrit « Pas d’asile pour les génocidaires ».

M Cesso : Sosthène Munyemana a été débouté du droit d’asile et il a été condamné au Rwanda.

M Dupeux : Ils avaient une banderole « Pas d’impunité pour les génocidaires ».[5]

Ça visait mon client. Quand il travaillait à l’hôpital de Tonneins, il avait déjà subi des violences verbales. La direction, moins courageuse que celle de Villeneuve sur Lot, avait immédiatement mis un terme au contrat de M. Sosthène Munyemana. C’est parce que trop c’est trop que mon client m’a demandé d’agir.
Le génocide au Rwanda a été un fait atroce. Nous avons eu cette vision apocalyptique à la télévision. C’est un crime contre l’humanité. C’est odieux. [Les deux rescapées rwandaises se serrent l’une contre l’autre et pleurent.]
Si la justice n’a rien fait, allez vous en prendre à la chancellerie. Aller devant un hôpital crier pas d’asile pour les génocidaires, c’est qualifier sans la moindre réserve Sosthène Munyemana de génocidaire, c’est abominable. Il a déjà eu assez de mal en tant qu’étranger pour trouver un emploi. Crier pas d’impunité pour les génocidaires c’est porter atteinte à sa présomption d’innocence.

M Cesso : En Belgique, au Canada, on juge les gens. En France la justice ne fait rien. Ça fait 15 ans que ça dure, on en a assez. La question est qu’on muselle les gens. La France a déjà été condamnée à la Cour européenne des Droits de l’homme pour sa lenteur à instruire la plainte contre Wenceslas Munyeshaka.
La Cour nationale du droit d’asile a pris une décision qui renforce la suspicion contre Sosthène Munyemana. La demande que l’hôpital suspende M. Sosthène Munyemana est normale.

Les déclarations dans Sud-Ouest contre Sosthène Munyemana

M Dupeux : Les manifestants ont distribué un tract qui se trouve toujours sur leur site web. Ils ont été interviewés dans Sud-Ouest. Leurs propos portent atteinte à la présomption d’innocence. Ils ne peuvent dire que les journalistes ont déformés leurs propos puisqu’ils n’ont pas demandés de droit de réponse. Les journalistes de Sud-Ouest sont connus pour être de bonne foi.
M. Jean-Pierre Cosse a déclaré que Sosthène Munyemana jouit de l’impunité en dépit du rapport accablant d’African Rights. African Rights n’est pas une véritable ONG comme Human Rights Watch et FIDH.
M Dupeux cite plusieurs décisions judiciaires et arrêts de la Cour de cassation (2001) qui condamnent au titre du droit à la présomption d’innocence.
M. Pascal Bianchini a déclaré dans Sud Ouest du 1er février 2010 : « Les rescapés ne peuvent tolérer que Sosthène Munyemana dont les responsabilités sont écrasantes dans les massacres de Tumba ne soit toujours pas jugé. » M Cesso : Le prétendu tract fait 4 pages. La réserve que Sosthène Munyemana a droit à la présomption d’innocence tant qu’il n’est pas condamné y est exprimée. Accablant ne veut pas dire coupable. Le tract est toujours sur Internet. Il contient 2 chronologies, une du génocide, l’autre des actes de Sosthène Munyemana, en particulier le 21 avril 1994.

Cela fait 15 ans de silence judiciaire et on n’aurait pas le droit de citer des témoignages ?[6]

Le président ne donne pas la parole aux personnes assignées notamment à deux rescapées du génocide. Le délibéré du Tribunal sera rendu le 8 novembre.

Remarque sur la méthode de défense
L’avocat de la défense, Paul Cesso, s’est cantonné dans une défense juridique. Sauf erreurs dues aux mauvaises conditions d’écoute, il n’a pas abordé les points suivants :

- Les jugements par contumace des tribunaux Gacaca sont toujours remis en question si l’inculpé rentre au Rwanda. Il est alors rejugé. Ceci aurait pu être dit pour réfuter les critiques de l’avocat du plaignant à l’égard des tribunaux Gacaca.

- Les crimes reprochés à Sosthène Munyemana.

- Il n’a pas dit que l’hôpital de Butare avait été transformé en abattoir.

- Sosthène Munyemana a fait partie du Comité de financement de l’autodéfense civile à Butare[7]

- Sosthène Munyemana était l’ami de Jean Kambanda, Premier ministre intérimaire condamné pour génocide par le TPIR.

- Il était également l’ami de Straton Nsabumukunzi, ministre de l’Agriculture du GIR (non arrêté par le TPIR).

- Les massacres de Butare ont été déclenchés par le président intérimaire Sindikubwabo, qui était soutenu par François Mitterrand.[8]

- L’enquête de Gilles Durou à Butare en 1995 est passée sous silence, elle est antérieure à celle d’African Rights et démontre le sérieux des personnes qui ont déposé plainte en 1995.

- La France est une terre d’impunité pour les génocidaires.

Autres informations

- CPCR et Survie ont fait un communiqué le 26 septembre 2011 pour ce procès.[9]

- L’association CAURI et le Collectif girondin pour le Rwanda s’occupent du dossier Sosthène Munyemana. Gilles Durou, principal animateur du Collectif girondin pour le Rwanda est décédé en 2003. Michel Touzet, l’avocat bordelais qui avait déposé la plainte en 1995 est décédé en 2006. Son dossier n’a pas été récupéré. La plainte déposée en 1995 à Bordeaux a été transférée à Paris, c’est le CPCR qui gère le dossier.

- Une banderole en bas des escaliers du TGI disait au nom du Collectif girondin pour le Rwanda « Depuis 1994, les rescapés du génocide des Tutsis demandent justice.[10]

- Laure de Vulpian de France Culture était présente. Dans son compte-rendu radiodiffusé elle souligne une déroutante inversion des rôles où l’on voit des personnes victimes du génocide sur le banc des accusés.[11]

Une journaliste et un photographe de 20 Minutes étaient présents.4 Il y avait un cameraman de France[12]. Adelaïde Mukantabana a été interviewée par cette chaîne.

Le journaliste de Sud-Ouest, Jean-Pierre Tamisier, affirme que les tribunaux Gacaca ont été créés par l’ONU ! [13]

On trouvera d’autres informations sur :

http://cec.rwanda.free.fr/informations/munyemana.html et

http://www.ibuka-france.org/spip.php?article64


Notes du texte de Jacques Morel

1 - Jean-Yves Dupeux serait l’avocat de Brice Hortefeux. Il défend aussi le procureur Courroye soupçconné d’avoir fait saisir la liste de correspondants téléphoniques de journalistes dans l’affaire Bettencourt. Cf. Fabrice Lhomme, Fadettes : Philippe Courroye dénonce une « mise en examen calomnieuse », Le Monde, 30 septembre 2011.

2 - A la CNDA il dit qu’il se quitte Butare le 22 juin vers Cyangugu dans la voiture du ministre Straton Nsabumukunzi.

3 - Cela semble faux. C’est le gouvernement rwandais qui, pour juger les innombrables inculpés qui croupissaient en prison, devant la pénurie de juges et de personnels qualifiés de justice, a ressuscité cette forme de justice traditionnelle.

4 - En fait la Cour d’appel a refusé l’extradition en raison de la non transmission par le Rwanda de chefs d’accusation précis.

5 - http://asso-cauri33.over-blog.com/article-actu-communique-du-collectif-girondin-pour-le-rwanda-57534804.html.

6 - Munyemana fait l’objet d’une instruction devant le Tribunal de Grande instance de Paris, suite à une plainte déposée le 18 octobre 1995 par un Collectif girondin pour le Rwanda à laquelle se sont joints par la suite la Fédération internationale des droits de l’homme, l’association Survie et le Collectif des parties civiles pour le Rwanda.

7 - Guichaoua, « Butare, la préfecture rebelle », rapport d’expertise rédigé à la demande du TPIR.

8 - Voir la lettre de Sindikubwabo à Mitterrand du 22 mai 1994 le remerciant de son aide jusqu’à ce jour. http://www.francerwandagenocide.org/documents/SindikubwaboMitterrand22mai1994.pdf.

9 - http://survie.org/genocide/justice-genocidaires-en-france/article/soutien-au-collectif-girondin-pour.

10 - http://www.sudouest.fr/2011/09/28/munyemana-attaque-l-association-cauri-511182-2780.php.

11 - http://www.franceculture.com/emission-le-choix-de-la-redaction-la-justice-francaise-face-aux-genocideurs-rwandais-2011-09-28.html.

12 - http://www.20minutes.fr/bordeaux/795634-genocide-rwandais-poursuit-dr-munyemana.

13 - http://www.sudouest.fr/2011/09/28/munyemana-attaque-l-association-cauri-511182-2780.php.

• Le site de Cauri : http://asso-cauri33.over-blog.com

• Le site de Jacques Morel : http://izuba.info/francegenocide

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 23/11/2011

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