Compte-rendu de la manif du 4 septembre

Bruno Gouteux - 6/09/2010
Image:Compte-rendu de la manif du 4 septembre

carnet de circulation, village d’insertion, ...
« 77300 comptabilisées de façon prétendument précise par la police »

Le 4 septembre, on peut dire qu’on s’est bien amusés…

En plus de trois tracts, notre petit collectif contre la xénophobie avait conçu et réalisé deux banderoles :

« ABROGATION IMMÉDIATE DU CARNET DE CIRCULATION » et « VILLAGE D’INSERTION = CAMP D’INTERNEMENT ».

Ces deux banderoles ont été portées en tête de la manifestation tout le long, de République à Hôtel de Ville, en passant par Bastille.

On s’était donné rendez-vous, à 14 heures, place de la République, au début du boulevard du Temple, en haut des marches, devant le Dejazet.

En plus de nos banderoles, on avait un petit millier de tracts, du texte qu’on avait discuté à la précédente réunion du jeudi précédent la manif – imprimés en recto-verso : la deuxième face, à l’inspiration d’un membre du collectif, en esperanto – ; plus deux autres tracts, tirés à une centaine d’exemplaires, qu’on retrouve aussi sur ce blog, « Pour une révolution culturelle à gauche » et « Contre le double-langage » de la Mairie de Montreuil.

Comme on pouvait s’y attendre, ce dernier tract a fait sensation dans le bout de cortège montreuillois, les représentants de la Mairie s’insurgeant contre ce « tissu de mensonges ». Dominique Voynet, à qui le tract était tendu, a refusé de le prendre. On apprenait au passage la démission de l’adjoint au Maire chargé de l’urbanisme, qui a piloté les réunions de ces dernières semaines où le Collectif contre la xénophobie a pu exprimer le point de vue critique qui était résumé dans ce tract. Information sous toutes réserves – dont il n’est surtout pas certain qu’elle signifie un changement de politique municipale ; elle sanctionnerait plutôt l’échec de « l’appel unitaire » à laquelle la Mairie invitait l’ensemble des associations et partis de gauche et du centre, que le Collectif contre la xénophobie n’a pas été seul à refuser de signer. Rappelons que non seulement le texte de cet appel, proposé par l’ex(?)-adjoint au Maire chargé de l’urbanisme, faisait l’éloge du village d’insertion (dont 75% du budget est consacré à la « sécurité » et où il est, en principe, interdit de recevoir des visites), mais il ne contenait aucun engagement de la Mairie envers les 36 Rroms ballottés depuis neuf mois sur le territoire de la commune. On a pu constater cette semaine de rentrée des classes que la scolarisation des onze enfants de ce groupe n’a même pas été assurée, en dépit des promesses de la Mairie…

Au devant de la manifestation, venait le « carré de tête », une petite centaine de personnes derrière un cordon bleu.

Suivait, comme prévu, la sono : un gros camion, avec un beau plateau, sponsorisé par la Ligue des droits de l’homme.

Et derrière, les organisations Rroms, et les, plus nombreux, sans-papiers.

Rapidement les Rroms ont dépassé le « carré de tête », et les porteurs de banderoles du Collectif contre la xénophobie ont suivi le mouvement, pour se scotcher derrière la délégation andalouse d’une dizaine de personnes. Lorsque celle-ci a plié sa petite banderole, à hauteur de la Place des Vosges – profitant peut-être de l’occasion pour faire un brin de tourisme… –, nos deux banderoles se sont retrouvées tout devant, devant la foule inorganisée – le peuple de « simples citoyens », dont bon nombre découvrait le simple fait de manifester…

Au Cirque d’hiver se tenait le camion des vedettes du music-hall, parmi lesquelles on reconnaissait Jane Birkin, chantant « les petits papiers » au micro d’une sono défaillante qui n’empêchait pas beaucoup de bonne humeur.

Plus loin sur la droite quelques stands bordaient le boulevard, dont un magnifique pour le droit de vote à tous les résidents. Quelques panneaux très pédagogiques expliquaient l’évidence : que toute personne est soumise à la loi du territoire où elle réside, et qu’elle est en droit de participer au choix des autorités et des lois auxquelles qui s’appliquent à elle.

Bonne ambiance, sous ce soleil printanier. Les gens s’approchaient pour nous demander ce qu’est ce « carnet de circulation » dont nous demandons l’abrogation. Ou ce que sont les « villages d’insertion » dénoncés par notre deuxième banderole.

À la fin de la manifestation, devant l’Hôtel de Ville, on a pu interroger le représentant de l’UFAT (Union française des associations tsiganes), qui nous confirmait que, dans la pratique, après un siècle d’imposition de l’infâme carnet, au résultat, encore aujourd’hui, plus de 60% des « gens du voyage » n’ont pas de carte d’identité – et encore moins le droit de vote. On a entendu par ailleurs le chiffre de 70%. Rappelons que pour l’octroi d’une carte d’identité, il faut trois années de « rattachement » à une commune, et l’avis favorable du maire et du préfet du département… L’UFAT s’efforce que le plus grand nombre soient « régularisés », dans l’espoir que le droit de vote oblige le monde politique à mieux les prendre en compte.

Notre micro-cortège scandait, inlassablement, tout le long : « Abrogation du carnet de circulation » – largement entendu dans le silence des boulevards et des rues où l’on arrivait. Rue de Rivoli, nous retrouvant près d’un groupe de musicien, on a repris le slogan en chanson, avec un certain succès… On aimerait en voir les films qui ont été pris à cette occasion – pour les souvenirs… ou pour en faire un petit spot sur ce blog… (Ceci est une petite annonce : si quelqu’un connait quelqu’un qui aurait filmé la scène, qu’il le lui fasse savoir…)

Arrivés place de l’Hôtel de Ville sonnait la dispersion. Le gros des troupes s’était dispersé bien avant, le « carré de tête » ayant à peine tenu jusqu’à Bastille, et les « organisations » responsables ayant dispersé dès Saint-Paul. On apprenait en arrivant à Hôtel de Ville que la demande initiale était de marcher jusqu’à Concorde. Ce qui a été refusé par la Préfecture, peu respectueuse,comme à l’ordinaire, du droit de manifester. Au lieu du rassemblement place de la Concorde, on aura eu droit à un effilochage au bord de la place de l’Hôtel de Ville, son esplanade n’étant même pas libre ce jour là en raison d’on ne sait quelle animation sponsorisée par Adidas…

On s’y est néanmoins attardé, l’ambiance étant plutôt sympathique. Le président de l’Union romani internationale, Juan de Dios Ramirez, rayonnait, et, donnant une interview, demandait ensuite « est-ce que j’ai bien dit tout ce qu’il y avait à dire ? ». Il avait beaucoup parlé du nécessaire accès à l’éducation – mais pas tant de l’indispensable égalité des droits brutalement niée en France.

Le gros camion de la sono de la LDH finit par arriver, pour appeler à la dispersion.

C’est alors que la fameuse Negrita, avec ses béquilles, a chanté une première chanson au micro d’une télé. Oh oui, c’était plus que beau, poignant. Puis, quelques personnes de La Voix des Rroms ont eu l’idée de demander le micro du camion de sono pour que Negrita puisse chanter une deuxième chanson. Pour un peu, on le lui aurait refusé. Se constitua alors une micro manifestation, où quelques dizaines de personnes scandaient « la voix des Rroms, la voix des Rroms »… De bonne grâce, le tenant du micro finit par le passer à Negrita qui était parvenue à s’asseoir sur le bord du plateau. Une chanson, puis une autre, très belles.

Le micro passa alors à Saimir Mile, porte-parole de La Voix des Rroms, qui précisa juste que la dernière chanson Djelem Djelem, l’hymne des tsiganes, rappelle l’extermination nazie de 500 000 tsiganes, pendant la guerre, à Auschwitz et ailleurs, le Samudaripen – le meurtre total.

« Où êtes-vous, maintenant ?
Où sont les hommes ? Où, les enfants ? »

« Comme vous, j’avais une grande famille
Comme vous, les hommes noirs l’ont massacrée. »

Saimir enchaîna en disant que c’était précisément pour ne pas voir de telles horreurs se reproduire qu’on était réuni ce jour. Pour que Liberté, Égalité, Fraternité, inscrits au fronton de la République soient des réalités. Pour que la France, berceau des Droits de l’homme, ne soit pas le cercueil des Droits de l’homme…

C’est alors que le représentant de la Ligue des droits de l’homme jugea utile de lui retirer le micro…

Oui, on s’est bien amusé, à Paris, ce 4 septembre.

Il y aurait eu selon les observateurs 30, 50 ou 70 000 personnes. Mettons qu’on n’aurait été que 30 000, c’était quand même une belle journée, où pour la première fois en sept siècles, avait lieu une importante manifestation en faveur des Rroms.

Dans plus de 130 villes à travers le pays, et dans des dizaines de villes d’Europe, se tenaient simultanément de telles manifestations. À Avignon, il y avait du monde. À Montpellier, le journal en a compté deux mille. À Lisbonne, ils étaient une bonne centaine devant l’ambassade de France. "A Marseille, les manifestants étaient entre 2500 et 10.000 suivant les estimations, à Nantes entre 5000 et 10.000″ dit Le Figaro.

Comme le faisait remarquer quelqu’un, s’il n’y avait eu, en moyenne, que mille personnes par ville, on serait bien au-delà de l’évaluation à 100 000 personnes que les organisateurs opposent aux 77300 comptabilisées de façon prétendument précise par la police.

[Source : Collectif contre la xénophobie]

Collectifs contre la xénophobie • contrelaxenophobie gmail.com

Réunions tous les dimanches, de 15h à 18h. 38, rue Keller
(entre Bastille et Voltaire).

Blog : http://contrelaxenophobie.wordpress.com

Bruno Gouteux est journaliste et éditeur —Izuba éditions, Izuba information, La Nuit rwandaise, L’Agence d’Information (AI), Guerre Moderne, Globales…—, consultant —Inter-Culturel Ltd— et dirige une société de création de sites Internet et de contenus —Suwedi Ltd.

Il est engagé dans plusieurs projets associatifs en France et au Rwanda : Appui Rwanda, Distrilibre, Initiatives et Solutions interculturelles (ISI), le groupe Permaculture Rwanda, Mediarezo

 6/09/2010

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