Génocide : procès d’Octavien Ngenzi et Tito Barahira

La rédaction - 11/05/2016
Image:Génocide : procès d'Octavien Ngenzi et Tito Barahira

10-31 mai 2016
« les victimes ont droit à la tenue de ce procès »

A partir du 10 mai 2016 a lieu à Paris le procès d’Octavien Ngenzi et Tito Barahira, relatif à leur rôle dans le génocide des Tutsi perpétré au Rwanda, en 1994.

Ce procès sera le deuxième en France concernant des personnes soupçonnées de génocide, après celui de Pascal Simbikangwa, condamné à 25 ans de réclusion criminelle en mars 2014.

Tito Barahira et Octavien Ngenzi sont deux anciens bourgmestres (maires) de la commune de Kabarondo dans l’ancienne préfecture de Kibungo, à l’Est du Rwanda. Tous deux sont poursuivis pour génocide et crimes contre l’humanité. Ils auraient en particulier participé au massacre de l’église de Kabarondo le 13 avril 1994, massacre qui aurait fait plus d’un millier de victimes.
 CPCR [1]

Tous deux sont en détention provisoire depuis plusieurs années dans des prisons de la région parisienne. Monsieur Ngenzi a été arrêté sur l’île française de Mayotte et Tito Barahira à Toulouse.

Cette affaire fait suite à la condamnation, en mars 2014, de Pascal Simbikangwa, pour « génocide et complicité de crimes contre l’humanité », dont le procès en appel se déroulera cette année, aux Assises de Bobigny, en octobre 2016.

Il faut ici rappeler que sans les plaintes déposées par le CPCR [2] ces deux affaires - comme, espérons-le d’autres à l’avenir - ne serait jamais arrivées jusqu’aux tribunaux français dont la justice s’est particulièrement illustré pour sa lenteur concernant le jugement des présumés génocidaires. Dans ces deux procès, le CPCR est soutenu par l’association SURVIE, la FIDH, la LDH, la LICRA, et plus récemment, par la Communauté rwandaise de France.

Parties en présence lors de ce procès

Le Parquet
Le Parquet est représenté par l’avocat général, M. Philippe COURROYE et Ludovic HERVELIN-SERRE. Ce dernier remplace Aurelia DEVOS initialement pressentie comme co-avocate générale qui a invoqué « la clause de conscience » [3] pour se désister.

La Défense
- La défense de M. NGENZI est assurée par Me Françoise MATHE.
- La défense de M. BARAHIRA est assurée par Me MEILHAC.

Les parties civiles
- Le Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda (C.P.C.R), ayant pour avocats Me Michel LAVAL et Sophie DECHAUMET
- La Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (F.I.D.H), ayant pour avocats Me Patrick BAUDOUIN et Me Emmanuel DAOUD
- L’association SURVIE, ayant pour avocats Me Jean SIMON et Me Safya AKORRI
- La Ligue Internationale contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA), ayant pour avocats Me Rachel LINDON et Me Sabrina GOLDMAN
- Constance MUKABAZAYIRE ayant pour avocat Me Richard GISAGARA
- La Communauté Rwandaise de France ayant pour avocat Me Gilles PARUELLE

Octavien Ngenzi

Inculpé génocide et crimes contre l’humanité au Rwanda le 30 mai 2014 pour ; Inculpation confirmée en appel le 28 janvier 2015.

Ngenzi serait également impliqué dans les meurtres ayant eu lieu dans le centre de santé et dans le centre anti-analphabétisme. De plus, il est suspecté avec Barahira d’avoir pris part à la fouille de logements afin de trouver des Tutsis.

Tito Barahira

Inculpé pour génocide, incitation directe et publique au génocide et crimes contre l’humanité le 30 mai 2014.

Au début du mois de juin 2014, Barahira a fait appel contre l’accusation. Le 28 janvier 2015, la Cour de cassation de Paris a définitivement confirmé l’accusation contre Barahira et Ngenzi pour génocide et crimes contre l’humanité.


La cour d’assises de Paris se penchera sur les exactions commises à Kabarondo, dans le centre du Rwanda, localité qui a été successivement dirigée par Tito Barahira et Octavien Ngenzi.

(...) Kabarondo est un point microscopique, situé sur le flanc est d’un minuscule pays d’Afrique. Les deux bourgmestres (maires) qui se sont succédé de 1977 à 1994 à la tête de cette petite commune rwandaise sont jugés à partir de ce mardi devant la cour d’assises de Paris lors d’un procès qui devrait durer 38 jours et verra défiler plus de 80 témoins. Parfois de simples paysans qui n’avaient jamais pris l’avion avant d’être convoqués sur l’île de la Cité pour y évoquer un drame qui s’est déroulé il y a déjà vingt-deux ans.

Selon l’accusation, qu’ils aient été ancien ou actuel premier magistrat de la localité à l’époque des faits, ils avaient une influence considérable qu’ils ont mise au service de la politique génocidaire.

Une influence qui se serait particulièrement manifestée le 13 avril 1994 lorsque des centaines de Tutsi, réfugiés dans l’église de Kabarondo, ont été tués. Selon plusieurs témoins, Tito Barahira et Octavien Ngenzi étaient à la manoeuvre. Comme donneurs d’ordres, appelant la population à « tuer des Tutsi », mais aussi comme participants actifs aux massacres.

Tito Barahira et Octavien Ngenzi nient toute implication dans les messacres et le génocide.

Désistement surprise de l’un des deux procureurs

A la veille de l’ouverture de ce nouveau procès, les avocats des parties civiles se sont inquiétés du désistement surprise de l’un des deux procureurs : Aurélia Devos, l’une des magistrates les plus compétentes sur ces dossiers en tant que vice-procureure du Pôle génocide a justifié son retrait au nom d’une très inhabituelle « clause de conscience ».

Serait-ce à cause du juge Courroye ? Ou plutôt de son avocat ?

Le procureur Courroye, réputé proche de Nicolas Sarkozy – lequel était membre du gouvernement français pendant le génocide et porte parole et ministre du Budget –, est, de plus, lié au parti génocidaire rwandais : le procureur du Pôle génocide partage en effet son avocat personnel, Me Jean-Yves Dupeux, avec Agathe Habyarimana et d’autres présumés génocidaires, ainsi qu’avec Pierre Péan, leur « propagandiste en chef », comme le rappelle Michel Sitbon (La Nuit rwandaise) :

Voilà Philippe Courroye chargé de poursuivre des individus qui constituent l’essentiel de la clientèle de son propre avocat... Le parti génocidaire contrôlant les poursuites dont il est l’objet, voilà qui devrait simplifier bien des choses… Il n’y a décidément aucune honte dans ce pays, toujours solidaire du crime, plus de vingt ans après les débuts de l’inqualifiable intervention française, la solidité de l’alliance rwandaise offrant aux criminels plus de garanties qu’ils n’en pouvaient rêver, au mieux de l’envisageable.
(…)
Il y a là un cas manifeste de disqualification du procureur Courroye, dont il importe que la nomination à la tête du parquet du Pôle génocide soit rapportée sans attendre, pour bien pire qu’un simple « conflit d’intérêt », mais une contre-indication radicale dans l’exercice d’une justice qui soit en défense de l’humanité et non en défense des criminels.
 Michel Sitbon

La première journée du procès Ngenzi/Barahira

Un procès qui a du mal à commencer, la responsabilité en incombe à la défense. La journée commence par la constitution du jury, 6 jurés et 5 jurés suppléants sont tirés au sort et prêtent serment. Madame la Présidente rappelle qu’étant « dans le cadre d’un procès historique, les débats seront télévisés ».

Maître Mathe, avocate de Ngenzi, soulève alors des exceptions liminaires et adresse tardivement aux parties ses conclusions sur ces exceptions. Elle souhaite que ce procès soit exemplaire et se lance dans une longue diatribe en commençant par dire que : « depuis l’origine (de la procédure) la défense n’y trouve pas son compte ».

Évoquant les nombreux témoignages qui seront entendus, elle souligne que les témoins « se trompent, mentent… », en prétendant qu’un certain nombre de témoignages sont « contestables » (...)

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 11/05/2016

[1Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda

[2Deux procès en 2016, et probablement plusieurs autres à venir dans les années qui viennent puisque une trentaine de plaintes ont été déposées sur le bureau des juges d’instruction du “pôle crimes contre l’humanité” au TGI de Paris. Pour mener à bien ces différents procès, le CPCR a besoin de soutiens financiers : l’association lance unnouvel appel pressant afin que tous ceux qui croient que la justice est un des chemins vers la paix puissent apporter leur obole.

[3Maria Malagardis, Libération, 4 mai 2016

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