Munyeshyaka : pour la tenue d’un procès

La rédaction - 27/08/2015

Réquisitions de non-lieu du Parquet de Paris | Commuiqué de la CNLG
Appel à soutenir le CPCR

Après les réquisitions de non-lieu prises par le Parquet de Paris, le 19 août 2015, en faveur de Wenceslas Munyeshyaka, soupçonné de complicité de génocide au Rwanda, la question se pose désormais de savoir si les magistrats en charge de l’instruction se rangeront à l’avis du ministère public ou, au contraire, estimeront nécessaire la tenue d’un procès, renvoyant le prêtre de la paroisse de Gisors, diocèse d’Evreux, aux assises.

La Commission nationale de lutte contre le Génocide (CNLG), à l’instar des rescapé-e-s du génocide des Tutsi, demande, le 24 août dans un communiqué [1] « que les juges d’instruction ne suivent pas le parquet de Paris dans son réquisitoire d’un non-lieu pour Wenceslas Munyeshyaka, et demande de passer outre cette réquisition en exigeant la tenue d’un procès. » :

« (…) Un non lieu pour une personne comme Wenceslas Munyeshyaka dont le rôle dans le génocide a été démontré durant plusieurs commissions rogatoires ne peut que confirmer les appréhensions de survivants que la France ne veut pas juger les cerveaux du génocide. »
— Dr. Jean Damascène Bizimana, CNLG

Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda

Affaire Munyeshyaka : toujours la consternation

Depuis que nous avons pris connaissance du réquisitoire du procureur demandant un non-lieu dans l’affaire Munyeshyaka, l’incompréhension est totale. La lecture du document nous conforte dans notre obstination à refuser les arguments avancés par le parquet. Chaque témoignage est minimisé. L’impression générale : la parole des témoins et des victimes n’est pas du tout prise en compte.

Selon le Procureur, le rôle de Munyeshyaka est trouble mais toutes les circonstances atténuantes lui sont reconnues. Un exemple peut tout à fait illustrer l’état d’esprit du procureur. L’abbé Munyeshyaka reconnaît bien avoir signé la lettre adressée au pape Jean-Paul II par une trentaine de prêtres à partir du Congo après le génocide des Tutsi, mais il se défend en déclarant qu’il n’en est pas l’auteur.

Dans ce document, le génocide des Tutsi est tout simplement nié. Et le procureur de prendre pour argent comptant les propos de Wenceslas Munyeshyaka. Probablement pire encore, il semble bien que tous les témoignages recueillis par le TPIR avant que ce dernier ne confie le dossier à la justice française en 2007 n’aient pas été pris en compte, ou aient été minimisés au bénéfice du prêtre de la Sainte Famille.

Et il en est de même des témoignages que nous avons fournis au dossier. Et il aura fallu attendre 20 ans pour arriver à ces conclusions ?

La montagne a accouché d’une souris. Et c’est révoltant.

Nous attendons avec grand intérêt la réaction du TPIR qui ne saurait tarder. Sans présager de ce ce que sera la prise de position du Tribunal Pénal International, on peut penser qu’elle ira dans le sens de celle des parties civiles. Pourquoi le TPIR aurait-il demandé à la justice française de juger Munyeshyaka s’il n’avait pas eu la conviction que de lourdes charges pesaient sur ce dernier ?

A Arusha, on doit regretter amèrement d’avoir fait confiance à la justice française.
Mais attendons une réaction officielle.

Toujours est-il que les parties civiles ont trois semaines pour faire connaître leur position, et elles n’y manqueront. Puis ce sera au tour du juge d’instruction de faire connaître ce qu’il pense de cette affaire. Il faudra attendre encore trois longs mois. Si par malheur la position du juge allait dans le sens de celle du procureur, il nous resterait à faire appel.

Comme si cette affaire n’avait pas assez duré ! Mais nous n’osons pas croire que les juges d’instruction suivront le procureur : ce serait une nouvelle gifle sur le visage des victimes et de leurs familles, un nouvel affront auquel on ne peut s’habituer.

Pourquoi les victimes sont-elles méprisées à ce point et les bourreaux épargnés ?

Nous sommes donc entrés dans une nouvelle phase d’attente, mais ce ne sera pas une attente inactive pour les parties civiles. Nous souhaiterions une vaste mobilisiation aux côtés du CPCR et des autres parties civiles. Cette affaire et toutes celles qui viendront devant la justice française demandent beaucoup de moyens dont nous ne disposons pas.

Nous lançons donc à nouveau un appel, presque un appel au secours : aidez-nous à financer les procès qui nous attendent. Si vous ne pouvez pas personnellement, peut-être connaissez-vous des portes auxquelles on pourrait frapper ?

Toute aide nous sera précieuse. Les victimes et leurs familles ont besoin de vous.

N’hésitez pas à aller sur le site du CPCR, vous trouverez toutes les informations pour nous soutenir :

http://www.collectifpartiescivilesrwanda.fr

Alain Gauthier
Président du CPCR


Commission nationale de lutte contre le Génocide (CNLG)
24 août 2015

La Commission nationale de lutte contre le Génocide (CNLG) s’insurge contre le non-lieu requis par le parquet de Paris pour le prêtre Munyeshyaka Wenceslas

« (…) Un non lieu pour une personne comme Wenceslas Munyeshyaka dont le rôle dans le génocide a été démontré durant plusieurs commissions rogatoires ne peut que confirmer les appréhensions de survivants que la France ne veut pas juger les cerveaux du génocide.
Cette attitude s’explique d’ailleurs si l’on sait que le gouvernement de François Mitterrand a aidé et participé à la panification et à l’exécution du génocide commis cotre les Tutsi entre le 1er octobre 1990 et juillet 1994.
En conclusion, a CNLG demande que les juges d’instruction ne suivent pas le parquet de Paris dans son réquisitoire d’un non-lieu pour Wenceslas Munyeshyaka, et demande de passer outre cette réquisition en exigeant la tenue d’un procès. »
Dr. Jean Damascène Bizimana, CNLG

AIDER LE CPCR

"Cette affaire et toutes celles qui viendront devant la justice française demandent beaucoup de moyens dont nous ne disposons pas.

Nous lançons donc à nouveau un appel, presque un appel au secours : aidez-nous à financer les procès qui nous attendent.

Toute aide nous sera précieuse. Les victimes et leurs familles ont besoin de vous."
— collectifpartiescivilesrwanda.fr

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A lire

• Affaire Munyeshyaka : non-lieu requis par le Procureur : stupeur, Alain Gauthier, 19/08/2015, CPCR.

• Affaire Munyeshyaka : toujours la consternation, Alain Gauthier, 24/08/2015, CPCR (texte reproduit ci-dessus)

• France Rwanda : Une Justice bâclée, Sharon Courtoux, 1/09/2007, Survie [Billets d’Afrique n°161, septembre 2007].

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 27/08/2015

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