tel-05357676 Les hérauts grecs et la genèse du politique

À la fois omniprésent et discret dans les sources grecques dès Homère, le héraut (kêrux) intervient par la parole ou par le geste, au cœur de la cité comme dans des contrées lointaines, lors de missions pour lesquelles il est doté de l’immunité diplomatique symbolisée par son caducée. Jusqu’à présent, on a surtout étudié ces missions extérieures. En choisissant de s’intéresser au héraut dans ce meson dont Jean-Pierre Vernant et Marcel Detienne ont montré l’importance dans la pensée politique grecque, cette étude tend à établir qu’il y joue un rôle qui dépasse celui d’un simple crieur. Prenant le point de vue de la continuité, elle défend d’abord l’idée qu’il est un appariteur royal qui joue précocement dans le culte du roi un rôle qui évolue, dans le cadre de la cité, en celui d’un héraut des mystères. Puis, dans le prolongement de la réflexion de Pierre Bourdieu sur le pouvoir symbolique du langage, elle aboutit à montrer que c’est par l’action du héraut, dont les sources escamotent largement l’importance parce que son efficacité même tient à sa discrétion, que les rapports politiques sont instaurés tantôt comme des rapports de négociation entre pairs lorsque, usant plutôt du geste, il assure des médiations, tantôt comme des rapports d’allégeance des gouvernants envers les gouvernés, lorsqu’il utilise ses compétences vocales de « maître de vérité » pour métamorphoser l’arène politique en une institution, dont la forme extérieure emprunte beaucoup à celle d’un théâtre.