« Est vraiment victorieux, l’homme resté seul... »

Gnim Atakpama - 11/04/2011
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En apprenant l’arrestation de Laurent Gbagbo...
A tous Africains épris de liberté et de dignité

« Est vraiment victorieux, l’homme resté seul, qui continue de lutter dans son cœur. »

En apprenant l’arrestation du président ivoirien Laurent Koudou Gbagbo par les forces spéciales françaises ce mardi 11 avril 2011, un discours d’adieu a remonté de ma mémoire.

C’était en 1894, un autre résistant contre l’impérialisme français faisait ses adieux à ses compagnons d’armes avant de se rendre au Général français Dodds. Je le dédis au président Laurent Gbagbo, aux FDS, à tous Africains épris de liberté et de dignité.

« Compagnons d’infortune, derniers amis fidèles, vous savez dans quelles circonstances, lorsque les Français vinrent conquérir la terre de nos aïeux, nous avons décidé de lutter.

Nos combattants s’étaient levés par milliers pour défendre le Danhomé et son Roi.
Avec fierté, l’on reconnaissait en eux la même bravoure qu’avaient manifesté les guerriers d’Agadja, de Tégbessou, de Guézo et de Glélé. Dans toutes les batailles, j’étais à leurs côtés et nous avions la certitude de marcher à la victoire.

Cependant, malgré la justesse de notre cause et leur vaillance, nos troupes compactes furent décimées. Et maintenant, ma voix éplorée n’éveille plus d’écho.

Où sont-elles, les ardentes amazones qu’enflammait une sainte colère ?

Où leurs chefs indomptables, Goundmé, Yéwê, Kétungan ?

Où sont mes valeureux compagnons d’armes ?

Où, leurs robustes capitaines : Godogbé, Chachabloukou, Godjila ?

Qui chantera leur héroïque sacrifice ?

Qui dira leur générosité ?

Hardis guerriers de votre sang vous avez scellé le pacte de la suprême fidélité.
Oserais-je me présenter devant vous si je signais le papier du Général [François Dodds] ?

Je ne veux pas qu’aux portes du pays des morts le douanier trouve des souillures à mes pieds. Quand je vous reverrai, je veux que mon ventre s’ouvre à la joie.

C’est pourquoi, à mon destin je ne tournerai plus le dos. Je ferai face et je marcherai. Car la plus belle victoire ne se remporte pas sur une armée ennemie ou des adversaires condamnés au silence du cachot. Est vraiment victorieux, l’homme resté seul, qui continue de lutter dans son cœur.

A présent qui suis-je pour que ma disparition soit une lacune sur terre ? Advienne de moi ce qu’il plaira à Dieu !

Partez, vous aussi, derniers amis vivants.

Rejoignez Abomey où les nouveaux maîtres promettent douce alliance, vie sauve et, paraît-il, la liberté.

Là-bas, on prétend que les Blancs vous seront favorables comme la pluie qui drape les flamboyants de velours rouge ou le soleil qui dore la barbe soyeuse des épis.
Compagnons disparus, héros inconnus d’une tragique épopée, voici l’offrande du souvenir, un peu d’huile, un peu de farine et du sang de taureau.

Voici le pacte renouvelé avant le grand départ.

Adieu soldats, adieu ! »[1]

Gnim Atakpama


Notes :

[1] : Jean Pliya, Kondo le requin, éd. Clé, 1982, P.103

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Gnimdéwa Atakpama
Passeur d’histoires, passeur de rêves
(Journaliste-Ecrivain-Enseignant-Conteur)
www.legainduconteur.org

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 11/04/2011

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